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2 novembre 2011 3 02 /11 /novembre /2011 20:15

Fabrice Nicolino, Qui a tué l'écologie ? : WWF, Greenpeace, Fondation Hulot, France Nature environnement en accusation, Brignon : Les Liens qui Libèrent, 2011.

A lire pour découvrir l’histoire de WWF, Greenpeace, France Nature Environnement (FNE) et la Fondation Nicolas Hulot (« la bande des 4 ») : création et évolution de chaque mouvement associatif, accointances avec les industriels « de la destruction » (agro-industries, industries du voyage de masse, du btp, de l’énergie, de l’immobilier…) ou encore, sur le plan franchouillard, avec les chasseurs.

A lire également pour comprendre l’envers du décor de grosses associations et les tenants et les aboutissements de l’échec du Grenelle de l’environnement.

Ce que j’en retiens :

Pas de fait car « trop d’info, tue l’info » et que le pavé de Fabrice Nicolino est une somme d’informations, d’anecdotes persuasives, de circonstances contextuelles. Il se lit cependant vite grâce au style enlevé de l’auteur, aux images qui font mouche*, aux traits d’humour (et aussi, à titre personnel, parce que je ne suis pas très sensible au « mauvais sort » que subissent ces organisations, auxquelles je m’intéresse de manière inégale). De la lecture, il me reste une méfiance générale sur les grandes associations, qui peuvent masquer des comportements individuels (de dirigeants et conseillers) en contradiction avec les intentions louables de ces groupes.

En revanche, ma motivation et ma confiance pour les valeurs écologiques, qui ne sont pas remises en question par l’ouvrage, restent intactes.

Le livre Qui a tué l’écologie fait réfléchir aux problématiques suivantes :

1)       Le risque de carriérisme – malsain - lié aux « grosses machines », qu’elles soient commerciales ou, comme ici, associatives. Les responsables de grandes organisations sont tentés d’utiliser leurs responsabilités comme tremplin pour des carrières individuelles, politiques ou managériales, et certains ne s’en privent pas, même si cela passe par un reniement des principes écologiques prônés auparavant.

 

2)       La réflexion sur le compromis et la compromission

L’ouvrage est une critique de l’écologie des compromis et des compromissions, celle des commissions qui avalisent, bureaucratisent et mènent à la destruction de la nature (poursuite de l’industrialisation des campagnes, de l’assèchement des zones humides, de la « rectification des cours d’eau »….). F. Nicolino, journaliste écologiste engagé, se démarque de cette caste officielle d’écologistes qu’il définit comme « ceux qui discutent cinq siècles entre gens de bonne compagnie, pendant que la destruction du monde continue ». En bref, pour lui, l’Homme ne peut plus se permettre de perdre du temps et doit agir. Pour rester intègre, les décideurs doivent refuser le compromis, souvent accepté au profit du rouleau compresseur que représente le progrès.

[ La question de l’éthique se pose de manière cruciale pour les hommes et femmes politiques, les dirigeants d’entreprise ou d’organismes, qui prennent des décisions aux répercussions « à grande échelle » (nationales ou mondiales). Ne possédant que le pouvoir – circoncis - de citoyenne, la lecture de l’ouvrage ne m’empêche pas de me questionner sur l’action individuelle. En bref, agissons-nous en cohérence avec nos opinions dans nos actions au quotidien ou au travail, dans les situations de prise de décision ou de responsabilité que nous rencontrons ? La lutte contre l’hypocrisie et contre l’inaction se joue à tous les niveaux : cf. sacrosaintes notions de « responsabilité » et d’ « exemplarité ». ]

3)       Le débat sur la compatibilité du développement durable avec l’écologie

Pour F. Nicolino, le « développement durable », qui implique  croissance, développement économique et industriel, foi dans le progrès et alliances avec l’ « industrie mortifère » est incompatible avec l’écologie. Le respect de la biodiversité peut être proclamé ; dans les faits, il est lié à une condition implacable : que persiste « le maintien des activités humaines ». Le joli propos est alors rendu vain car le respect d’une zone humide, d’un écosystème, d’une espèce animale ou végétale n’est jamais prioritaire par rapport à la création d’une route ou d’un stade ( !), et ce, même à l’époque où la Terre vit une nouvelle crise d’extinction des espèces (la 6ème).

« Prétendre que le progrès technique peut nous sauver est absurde si l’on garde en mémoire que c’est ce même progrès technique qui nous a conduit à la situation actuelle ». Il faudrait donc se méfier de la technique, sans la rejeter, c'est-à-dire en user avec prudence. Malheureusement, ceux qui ont dans leurs mains les décisions structurelles de l’état français, celles de l’aménagement du territoire, de l’écologie… sont formés à faire une confiance aveugle au progrès. L’auteur désigne comme responsable de la destruction pilotée par les technocrates les trois grands corps d’ingénieurs suivants : Ponts et Chaussées, Mines, Génie rural des eaux et forêts. Ces ingénieurs sont bien souvent à la tête des grandes administrations tout en faisant carrière dans le privé (entreprises de développement du réseau routier, compagnies de gestion de l’eau…).

[ Outre le défaut du carriérisme, celui, structurel, de leur formation axée vers le « tout développement » me fait penser à celle des agriculteurs vouée « au dieu productiviste » (on n’en revient seulement maintenant après des décennies d’apprentissage du rendement et d’asservissement aux phytos). Difficile de faire un métier en s’opposant aux principes inculqués. Or si un tel mauvais départ est pris, les résultats risquent d’être désastreux. ]

Et l’auteur de condamner, par la même occasion, le greenwashing dont il donne une définition intéressante : maquillage vert qui permet à la machine industrielle, « véritable arme de destruction massive », de poursuivre son action, sous les applaudissements.

 

4)       L’action efficace : le militantisme

 

L’écologie efficace passe par le combat sur le terrain, l’affrontement avec les maîtres économiques du monde, la mobilisation qui bloque les projets destructeurs. L’ouvrage fait alors référence à des  exemples rhônalpins : l’opposition aux chasseurs sur le col ardéchois de l’Escrinet (haut lieu de passage des oiseaux migrateurs) ou le risque d’amputation qu’a failli connaître le Parc naturel de la Vanoise il y a quelques années. F. Nicolino, c’est le parti du mouvement contre le parti des ambassades, le courage de faire grincer les dents avec des mesures impopulaires mais nécessaires contre les manœuvres politiciennes qui passent par les « grands mouvements de manche », les « déclarations tonitruantes » mais se soldent, en catimini, par, au mieux des mesurettes, ou, pire, par la déconstruction intégrale, la non réalisation de ce qui a été annoncé.

L’auteur ne tolère plus la naïveté, les liens avec l’industrie de la destruction, les amitiés avec les politiques, le jeu de la rédaction des rapports que personne ne lit, la « positive attitude » qui vise à trouver dans tout une avancée (aussi minuscule soit-elle) alors que, surtout, du temps a été irrémédiablement perdu.

 

[ En lisant cela, j’ai compris pourquoi certains écologistes se prétendent « anarchistes » (ce qui me laissait interloquée puisque j’associai le terme aux attentats). Le mot n’apparaît pas dans le livre mais il m’est venu à l’esprit pour désigner cet état d’esprit qui ne vise pas à poser des bombes (terrorisme condamnable !) mais à remettre en cause les modèles dominants, les fondements de notre société actuelle, dont la structure résiste au changement. Car si l’on veut une écologie sans compromis (ou passer à une société décroissante), le changement est radical et F. Nicolino invite au militantisme, à l’activisme de tous. ]

 

Conclusion : l’approche engagée, militante, l’appel au « combat » de Fabrice Nicolino font réfléchir. Après la lecture de son ouvrage, je garde la fibre « Nicolas Hulotiste » et ne devient pas encore «  Nicolinotiste », mais une graine vient d’être plantée et pourrait germer dans ce sens [quand mon optimisme « prendra une claque »].

* La métaphore du débat sur l’avenir de la planète m’a particulièrement plu : une famille est en train de pique-niquer sur le bord de la plage, dos à la mer. Les chamailleries entre enfant sont inévitables, les gronderies obligatoires (pour celui qui a fait tomber le jambon dans le sable, par exemple). Et pendant que tout ce petit monde perd du temps sans regarder dans la bonne direction, un tsunami est sur le point de s’abattre. 

Blog de Fabrice Nicolino

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