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23 septembre 2011 5 23 /09 /septembre /2011 19:23

Dennez, Frédéric, La Nature, combien ça coûte ? Pourquoi l’écologie n’est pas l’ennemi de l’économie ?, Paris, Delachaux et Niestlé, 2007, 223 p.

Un mot sur le sous-titre : si l’économie n’est pas l’ennemi de l’écologie, le (néo-)libéralisme, si.

A lire pour appréhender les théories et théoriciens de l’économie au fil de l’histoire, la transformation économique de la société occidentale depuis le moyen-âge, les réflexions sur la notion de prix apposé à la nature et les solutions contemporaines expérimentées dans ce domaine.

5         idées retenues et commentaires :

- L’Homme a rompu progressivement avec la terre et le réel

Jusqu’au 18e siècle, l’homme, avant tout « paysan » (lui, sa famille ou son environnement) reste conscient des limites de la terre (les famines lui rappellent régulièrement la dure réalité). Il appartient à un système qui, tout en bénéficiant des progrès techniques ou de l’ouverture liée au commerce,  a intégré que les ressources naturelles sont un « don gratuit » qui perdure à condition de prendre soin de l’entretenir (semences, engrais, amendements). C’est le principe de la 1ère (et dernière ?) théorie économique naturaliste : la physiocratie (« pouvoir de la nature »). Avec la Révolution industrielle, c’est l’industrie qui entraîne pour la 1ère fois le commerce. « Son offre de produits anticipe la demande qu’elle cherche perpétuellement à élargir ». Puis le capitalisme accélère le phénomène et la rupture avec le réel est consommée : « Quittant la terre pour l’usine, les paysans offrent leurs mains à un système qui fonctionne selon des règles et des rythmes artificiels qu’aucun de leur ancêtre n’avaient connu ». On en constate le résultat aujourd’hui : combien reste-t-il d’agriculteurs ? Plus beaucoup. Qui gouverne le monde ? Les financiers, non ?! Mais avec quoi se nourrit-on ? Des actions basées sur le cours du blé ou du pain de boulanger ? Donc cette coupure avec le réel, matériellement et intellectuellement, n’est pas anodine sauf à considérer que la société future se passe de nature et doit être à 100% artificielle (cf. vision de bd de science-fiction). On a encore le choix d’un autre avenir pour le moment.

- Le néolibéralisme retombe toujours sur ses pieds, et sur les nôtres par la même occasion : aïe !

« Que la nature abonde ou se raréfie, l’économie sait toujours de quelle façon l’utiliser ». Considérée comme illimitée, la nature n’a pas de coût. Elle est considérée comme une corne d’abondance intarissable. Comme elle est assimilée à un « bien gratuit », les systèmes économiques, de plus en plus productifs à partir de la Révolution industrielle, en usent et en abusent. A force d’être surexploitée, de servir de réservoir de ressources jugées, à tort, inépuisables, la nature apparaît limitée. L’économie actuelle peut alors lui attribuer une étiquette en euros ou en dollars… et la note va être salée puisque certains de ses « produits » (énergies fossiles, eau potable, climat tempéré peut-être…) sont sur le point de devenir rares ! Et ceux qui tiennent les manettes du système économique actuel (néolibéralisme) restent du bon côté du tiroir caisse.

- La notion de service rendu de la nature est estimable (quantifiable) et inestimable !

La nature rend d’innombrables services à l’Homme, et ce, gratuitement : régulation des gaz atmosphériques [pouvoir respirer], régulation du climat [ne pas griller au soleil ni se transformer en « eskimos »], protection contre les inondations [une zone humide, la mangrove… sont des barrières naturelles contre crues et raz-de-marée, plus efficaces et moins coûteuses que des digues humaines], régulation des cours d’eaux et nappes phréatiques, formation des sols, reproduction des végétaux grâce à la pollinisation des fleurs [vous préférez payer vos légumes au prix de la vanille, pollinisée à la main ?], contrôle de la chaîne alimentaire, activités physiques et de loisirs ou spirituelles [crapahuter puis méditer en montagne] et, bien sûr, production de nourriture [la pilule alimentaire de science-fiction me coupe l’appétit]. La valeur de chacun de ces avantages en nature se chiffre (idée novatrice qui naît avec le rapport réalisé en 2005 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) sur l’état des écosystèmes de la planète), en milliards d’euros par an ! Et ils n’ont pas d’équivalent créés par l’Homme.  

- Il faut relativiser l’optimisme scientifique

Oui, je sais que la Science fait des miracles mais le bon sens doit nous pousser à préserver ce qui fonctionne bien naturellement. Au vu de la liste des services que la nature rend, il n’est pas possible de la considérer comme remplaçable par la technologie, la science ou l’agriculture. En revanche, si nous saccageons les écosystèmes, nous serons amenés à trouver des solutions de haute technicité et irrémédiablement hors de prix. Faudra-t-il un jour créer des machines pour remplacer un air vicié (alors que le plancton marin capte des tonnes de CO² sans qu’on s’en aperçoive) ou rendre potable l’eau devenue imbuvable ? Quel gâchis ! Car si les écosystèmes subsistent harmonieusement, ils permettent à l’homme de vivre, de se développer et de profiter du progrès.

- « Un écosystème, comme un organisme vivant ou un monument historique, est beaucoup plus que la somme des parties qui le composent ».

J’aime beaucoup ce parallèle fait entre nature et culture, que l’on peut étendre au social (un groupe d’amis, des collègues soudés). Je pense que, dans la vie (non dans la sphère matheuse),   1+1 ≥ 3. Ainsi, dans le milieu naturel, les espèces entretiennent des relations entre elles, créent des échanges ou des synergies, se rendent des services, ce qui augmente leur capacité d’action ou de protection. L’auteur rappelle « l’extraordinaire interdépendance des éléments constitutifs des écosystèmes », ce qui fait leur force et qui conduit ainsi à ce qu’un milieu naturel résiste bien aux interventions (« stress ») humaines. Mais cette résistance a ses limites. Si les dégâts occasionnés sur un écosystème peuvent mettre du temps à apparaître, ils n’en sont pas forcément moins présents. Et l’auteur utilise la métaphore du tricot (adaptable à la biodiversité) qui perd une maille (disparition d’une espèce) ou dont la maille est mal réparée (espèce de remplacement). Au final, le tricot est fragile (même si cela ne se voit pas) et ne peut que s’effilocher. Les naturalistes le disent : la diversité de la faune et de la flore est un bien précieux, utile à l’homme, et nécessaire à sa survie sur une planète faite de terre, d’eau et de gaz. Avons-nous déjà dénaturé la planète au point que nous puissions nous passer de biodiversité ?

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